Chapelle de Massey
 

Sainte colline, terre bénie, Choisie pour la gloire de Dieu, Par la Sainte Vierge Marie, Reine et patronne de ce lieu.


 SITUATION - ORIGINE
 

A trois kilomètres du village de Pagny-sur-Meuse, vers le midi, adossée au versant de la colline de Longor, presque à la lisière de la forêt communale de ce nom (286m d’altitude), l’antique Chapelle de Notre-Dame de Massey dresse vers l’Ouest sa façade toute tapissée de lierre.

De la pente supérieure du coteau, à l’ombre de vieux arbres à épaisses frondaisons, jaillit une source dont l’eau limpide, réputée miraculeuse, coule contre le flanc nord de l’oratoire et descend vers la Meuse qui baigne le pied de la colline.
Le voyageur, soit qu’il emprunte la route ou la voie ferrée, aperçoit d’assez loin le sanctuaire de Massey, car l’espace existant entre le coteau et la rivière est sillonné par la ligne de chemin de fer de Pagny-sur-meuse à Neufchâteau et par la route de Pagny-sur-meuse à Vaucouleurs (chemin n°36). De plus, de la route nationale n°4 de Paris à Strasbourg, à partir du grand pont de la Meuse (1) et au-delà, la vue de la Chapelle, sous la forêt, s’offre au regard du promeneur.

La Chapelle de Massey, écart et territoire de l’ancienne communauté de Longor (2), est très ancienne ; d’après le style, les archéologues font remonter la rosace de la façade et la statue de la Vierge au XIII siècle ; d’après les archives « la chapelle de Massey (3), Maxey ou Massé, de Marceio », est citée dès le XIII siècle, époque probable de sa construction et le domaine dès le X siècle, parmi les domaines acquis en 1019 par Berthold, évêque de Toul (4) au nombre desquels figurait également Longor.

 

LA LEGENDE


Quant à son origine, une pieuse tradition rapporte :
« Qu’a plusieurs siècles d’antiquité, un grand seigneur des environs, fait prisonnier, parvint, quoique chargé de chaînes, à s’évader du cachot où il était retenu, après avoir fait vœu, s’il recouvrait la liberté par l’intercession de la Vierge Marie, de lui élever un oratoire. Or ? Étant échoué après la côte de Longor sur la paroisse de ce nom, dont la patronne était justement la Sainte Vierge dans sa Nativité, exténué de fatigue, mourant de faim, meurtri par ses fers, il adressa de nouveau d’ardentes supplications au ciel et de nouvelles promesses exaucées et les fers du captif s’ouvrirent soudain.
Une fois libre, le seigneur exécuta sa promesse, fit élever à l’endroit même où il recouvra miraculeusement la liberté, un humble sanctuaire à la Vierge Marie sa libératrice et, comme gage de sa reconnaissance, il suspendit dans la chapelle, les chaînes qu’il avait conservées. »

On voit encore aujourd’hui, accrochée au mur de l’abside de la chapelle, à gauche, près du tableau de la Nativité, l’une des chaînes qui témoigne de ce miracle, l’autre plus grande a disparu il n’y a pas bien longtemps.

 

LA PAROISSE DU LONGOR

Nous avons vu que le domaine de Massey était situé sur la paroisse de Longor, village distant seulement de quelques centaines de mètres de celui de Pagny (5), il était « assis en France », dépendait du bailliage de Chaumont et ressortissait au Parlement de Paris. Il avait pour seigneurs –comme Pagny- Messieurs les Vénérables Doyen, Chanoines et Chapitre de la Cathédrale de Toul, qui étaient hauts justiciers moyens et bas fonciers.

Au point de vue religieux, il dépendait également, comme Pagny, du diocèse de Toul, dont l’Evêque était suffragant de L’Archevêque de Trèves.

Le malheureux village de Longor, comme hélas plus ou moins tous ceux de la région, eut beaucoup à souffrir et fut souvent ruiné par des guerres incessantes, par la peste et par la famine (6). Il est impossible de se faire une idée de la grande misère de ces temps où toutes les calamités étaient réunies.

Le 24 février 1454, le Chapitre de la Cathédrale de Toul :
« Exempte pendant dix ans de toutes rentes seigneuriales, tous les habitants de ses terres qui s’étant éloignés et qui voudraient rentrer et tous les étrangers qui viendraient se fixer à Longor, Dommartin-aux-Fours (7) etc… ».


Dans une pièce du 12 juin 1607, les Vénérables du Chapitre de Toul déclaraient :
« Avoir concédé l’usage des bois comme aussi du pâturage et vain pâturage aux habitants de Pagney, duquel usage ils ont toujours joui sur le ban de Longor, étant les sieurs vénérables, seigneurs propriétaires du ban et finage de Longor assis en France ».

Il est à présumer que lorsque ces droits furent concédés aux habitants de Pagny, il n’y avait personne à Longor pour en jouir.

De plus, dans un accord intervenu entre les habitants de Pagny et ceux de Dommartin, signé devant Mme Husson, notaire juré demeurant audit Pagny, le 22 avril 1609, relativement à la prairie de Gonsard sur laquelle Pagny et Troussey voulaient avoir les mêmes droits à l’exclusion de Dommartin qu’on voulait déjà en déposséder, les habitants de Pagny interviennent par :
Dieudonné Gérard, mayeur (maire) de Pagney,
Laurent Richardin, mayeur de Longort, demeurant en celui de Pagney, etc…
Le maire de Longor habitait donc Pagny. Cette prairie de Gonsard donna lieu à des procès qui se succédèrent pendant plus de deux siècles (1511-1601-1609-1692 et 1735).

Par un acte en date du 14 mai 1571 intervenu entre :
« Les manans et habitans de Laye comparans par Jean Gade lieutenant en la mairie dudit lieu etc… et les manans et habitans de Pagney comparans par Jean Malaisé, mayeur pour Mess. Du Chapitre en la seigneurie de Longuor, assisté de Claude Esselin, mayeur au dit Pagney, a été conclu un accord relatif aux bois de Longor et à la vaine pâture tant sur le ban dudit Longor que sur celui de Pagny, mettant fin à un procès (8) ».

Cet infortuné village s’était vu déposséder de bien des droits de propriété et de jouissance par le Chapitre au profit de Pagny, alors rien d’étonnant que ses habitants chassés par les guerres et par la famine ne soient pas rentés dans un village si peu avantagé (9) et où les étrangers avaient plus de droits et de profits qu’eux-mêmes.

Les communes luttaient constamment entre elles, celles de quelque importance, pour spolier les plus faibles ; les Etats faisaient de même entre eux.

Le 7 janvier 1535, l’avocat général du Roi, dans un procès engagé entre le procureur royal et le Chapitre de la Cathédrale de Toul, au sujet de la Châtellerie de « Bry » mentionne deux péages dont l’un à Pagny-sur-meuse, pour prouver que le cours même de la Meuse appartenait au roi.

En 1600, les officiers du roi de France, à Vaucouleurs, font poser clandestinement une borne royale marquée d’une croix de France et surmontée d’une fleur de lis sur le grand chemin de près de la chalaide de Laye (C’est-à-dire à l’extrémité du ban de Longor).

Le moulin de Longor est de création moins ancienne que celui de Pagny, puisque dans la pièce qu’on va lire, datant de 1300, les habitants de Longor sont appelés à venir moudre dans le moulin à créer, tandis qu’il n’est pas question de ceux de Pagny qui avaient certainement déjà leur moulin. « En août 1300, accompagnement entre le Comte de Henri de Bar et le Chapitre de Toul qui veut établir un moulin à eau entre Pargney et Laye « pour le profit et l’accroissement de son église », chacun fera la moitié de la chaussée et de l’étang et fournira moitié des alevins pour l’empoissonner et « nous et le Dit Comte ferons moudre audit moulin nos hommes de Trondes, de Longor, de Lay et aurons chacun, à toujours, moitié des profits qui seront du moulin et de l’étang.

Aucun vestige ne permet d’assigner un emplacement exact à ce moulin, mais il a été construit sur le ruisseau des Marais au pied de la contrée surélevée qu’on appelle, pour cette raison, Vanier-Moulin.

ANNOTATIONS
(1) Beau pont en pierre construit en 1745-1746 par M. Pierre-Paul Sgauzin (entrepreneur de nationalité suisse, décédé pendant les travaux, le 27 mars 1746). Son corps fut inhumé dans l’église de Pagny.

(2) Territoire réuni à celui de Pagny en 1791.

(3) « Massey » d’après la matrice cadastrale de la commune de Pagny.

(4) C’est à cet évêque Berthold que le 18 juillet 1011, Henri II Empereur d’Allemagne, accorda la chasse et la pêche sur la Meuse jusqu'à Sorcy. En 1276, Geoffrey de Joinville cède au Chapitre de la Cathédrale de Toul ce qui lui appartient à Lay, Longor, Trondes et Savonnières.

(5) Avant la révolution, Pagny était terre d’Evêché du bailliage de Toul, et ressortissant au parlement de Metz. La province des trois évêchés dont Pagny faisait partie, était sous la domination des Empereurs d’Allemagne : Elle y est restée jusqu’en 1552, époque à laquelle le roi de France Henri II la conquit sur Charles V ou Charles-Quint, Empereur d’Allemagne et rentra par cette victoire dans ses droits de protectorat. Mais elle ne fut officiellement et définitivement réunie à la France que sous Louis XIV en 1648 par le traité de Westphalie. Cette explication est nécessaire pour indiquer la raison de la mention du nom de Charles-Quint dans l’inscription relatant la restauration de la chapelle en 1536, inscription qu’on lira plus tard.

(6) En 1315, il y eut une famine presque universelle, la France et les provinces voisines perdirent un tiers de leur population. En 1353, la misère fut si grande à Pagny, que la population le déserta plus d’un an par suite des exactions commises par Erard du Châtelet. En 1356, Pagny fut encore dévasté par Henri de Bar.

(7) Dommartin village au nord et voisin de Pagny, également détruit vers 1640, son territoire fut réuni en 1791 à celui de Troussey. En 1625, il y avait 26 ménages et 2 veuves.

(8) En 1728, il y a eu un procès entre Pagny et le chapitre au sujet du canton du bois « dit de Longor au-dessus de l’ermitage de Massé » canton que le chapitre contestait à Pagny ; dans la défense de ses habitants, il est dit notamment : « que la partie des habitants se trouvant sans logement désireraient faire construire des maisons et les autres faire réfectionner celles qui menacent ruine n’y demeurant qu’en tremblant, etc… » il n’avait pas été répondu à la demande de Etienne Jacquinot, qui voulait obtenir du bois pour construire. Cet Etienne Jacquinot était l’oncle du général baron Jacquinot (Charles-Claude). Celui-ci était l’arrière petit-fils de Pierre Jacquinot maire de Longor et Tabellion, décédé à Pagny le 25 novembre 1709.

(9) Sur les dîmes et autres droits en 1790. La grosse dîme de Longor appartenait pour deux tiers au Chapitre de la Cathédrale de Toul, le dernier tiers au curé de Pagny. Le chapitre avait droit de parcours pour 21 bêtes à cornes dont 13 sur la prairie de Pagny et 8 sur celle de Longor. Le curé de Pagny avait droit à 4 pâtures à haut poil parcourant la prairie de Longor depuis la Saint Jean-Baptiste. Le moulin de Longor appartenait pour un tiers au chapitre. Les deux tiers à l’abbé de Saint-Evre de Toul. La pêche sur la Meuse appartenait entièrement au chapitre. Elle était louée avec celle d’Ourches 524 livres 8 sols et 6 deniers soit, en ce qui concerne Longor, 262 livres, 4 sols et 3 deniers. Le terrain de l’église de Longor appartenait au chapitre. Il était loué 31 livres, 8 sols et 9 deniers. La dîme de la paille de blé et d’orge de Longor appartenait au curé de Pagny. La dîme du vin appartenait au chapitre (en 1789, elle n’a rien produit). La grange aux dîmes fut démolie lors de la construction du canal entre 1838 et 1845. Elle se trouvait sur la place Mazure et formait un angle droit avec la maison appartenant à M. l’abbé Martin. (Elle avait 25 m de façade sur 20 m de profondeur). Elle avait été vendue le 27 mai 1791 à M.Raguet pour 930 livres.